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Quand la Suisse subventionne sa propre impuissance

  • Photo du rédacteur: Ruben Ramchurn
    Ruben Ramchurn
  • 7 août
  • 4 min de lecture
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Pendant que nos diplomates rentrent bredouilles de Washington, le Fonds national finance des colloques sur les traumatismes postcoloniaux. Cherchez l’erreur.

Encore une fois, la Suisse rentre les mains vides. Ni Obama hier, ni Trump aujourd’hui, ni personne demain ne semble vouloir accorder à notre pays le respect que nos élites croient encore automatique. Tandis que nos ministres négocient en suppliants à Washington, puis s’agenouillent à Bruxelles pour sauver des accords déséquilibrés, la question se pose : notre diplomatie est-elle encore une force, ou une simple agence de politesse internationale ?

Et si, au fond, la diplomatie suisse s’était perdue… dans le wokisme ? Car pendant que le monde bascule dans une nouvelle ère mercantiliste – accords bilatéraux rugueux, nationalisme industriel, confrontation des blocs – la Suisse, elle, continue de subventionner des recherches universitaires sur "l’intersectionnalité dans les relations internationales". Avec des fonds publics (150 à 200’000 CHF du FNS), on théorise le rôle des identités minoritaires dans l’intégration européenne, on décrypte les trajectoires de femmes noires dans la diplomatie des années 1980, on réinvente les relations entre genre, race, colonialisme et politique étrangère. Une chercheuse postdoctorante en a même fait son cheval de bataille académique.

Pendant que Trump négociait des milliards d’armement avec les Saoudiens, nous finançons des colloques sur le traumatisme postcolonial chez les lesbiennes afro-caribéennes. Voilà l’état de notre appareil intellectuel.

Et cela ne serait qu’un détail, si ce n’était révélateur d’une dérive plus large. Une élite suisse qui confond morale et stratégie, posture et pouvoir. Pendant que les États-Unis s’énervent – à juste titre – contre nos manipulations monétaires et notre excédent commercial, nous continuons d’acheter européen par réflexe idéologique, alors même que les Américains sont nos premiers clients. L’UE nous impose ses normes, ses directives, ses "ajustements dynamiques du droit", et nous courbons l’échine alors que nous faisons un immense déficit commercial avec Bruxelles. Nous envisageons même de conclure des "accords cadres", qui nous imposeraient à reprendre les lois de la technocratie européenne sans en faire partie. Nous sommes en train de devenir le Porto Rico de Bruxelles, sans même le bénéfice du soleil.


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Trump, lui, l’a bien compris. Nous exportons chez lui, puis nous allons acheter ailleurs. Nous trichons sur notre monnaie tout en nous posant en modèles vertueux. Et quand il nous en tient rigueur, on joue les vierges effarouchées. Notre diplomatie, censée défendre nos intérêts, se contente de faire la belle au bal des élites globalisées. Sans colonne vertébrale. Sans cap. Sans vision.

Et si cette faiblesse stratégique trouvait ses racines dans nos universités ? C'est l'occasion d'une petite anecdote personnelle.


Petit souvenir de formation (et de panique sociale)

Un jour, dans une formation HES — un CAS, un DAS, qu’importe, l’essentiel c’est le tampon pour la promotion — on nous propose un jeu de rôle : simulation d’un conflit social. Direction contre employés. On tire les rôles : je suis le "patron". Face à moi, une poignée de futurs cadres du social, surtout des éducateurs.

On se lève. Ils exposent leurs revendications, très sérieux, très investis dans leur rôle. Et là, je lance calmement, devant tout le monde, que leur position est indéfendable. Qu’ils sont assis sur une montagne de privilèges, grassement payés par le contribuable, protégés par un système dont ils se disent victimes tout en en profitant allègrement. D’un ton chirurgical. Et j’ai vu leurs visages se figer. Un mélange de stupeur, de sidération, presque de peur.

La professeure s’approche, blême : « Ce n’est pas comme ça qu’on négocie… C’est brutal… Il faut créer un climat de confiance… »

Mais justement. Si on ne peut même plus commencer une négociation par un électrochoc de vérité, alors on ne forme pas des cadres, on forme des simulateurs. Des gens formés à éviter le conflit, à lisser les angles, à faire semblant de consulter pendant que tout est déjà décidé. Ce jour-là, j’ai compris qu’on ne nous demandait pas d’apprendre à résoudre des conflits. On nous demandait d’apprendre à les désamorcer… sans jamais déranger l’ordre établi. A une négociation on emmène des fleurs et une batte de baseball, pas un drapeau arc-en-ciel.


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Comment s’étonner que nos diplomates ne sachent plus négocier, quand ils sont formés à tout sauf au rapport de force ? Pendant que la Chine forme ses élites à la puissance, pendant que les Américains cultivent la Realpolitik, nous produisons des moralisateurs postcoloniaux.

Martin Luther King se retournerait dans sa tombe. Lui qui rêvait d’un monde où l’on ne serait pas jugé par la couleur de sa peau, mais par la valeur de son caractère, verrait aujourd’hui des chercheurs subventionnés juger tout par la race. Comme l’avait prédit un esprit lucide du siècle dernier : les fascistes de demain s’appelleront antifascistes. Aujourd’hui, les racistes se font appeler antiracistes.

Et pendant que nous formons des militants, d’autres forment des stratèges. Pendant que nous subventionnons l’introspection victimiste, d’autres dictent les règles du jeu. Pendant que nous discutons du genre des anges, la planète se redivise en blocs commerciaux, en traités brutaux, en alliances claires. Le monde change. Pas nous.

Le FNS n’est pas seul en cause. C’est tout un système de subventions croisées – Gender Campus, commissions d’État, fonds universitaires, connexions européennes – qui contribue à cette déconnexion. Au nom du progrès, on démolit la rigueur. Au nom de l’ouverture, on cultive l’hostilité. Au nom de la paix, on saborde la souveraineté. Une société qui finance ses propres contempteurs, qui forme ses futurs diplomates à détester leur pays, à le soupçonner de racisme structurel, de colonialisme larvé, de patriarcat historique, est une société qui se suicide à petit feu.


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Et pendant ce temps, l’économie réelle nous envoie des signaux : notre excédent commercial avec les États-Unis est immense, notre déficit avec l’UE abyssal. Pourtant, c’est encore vers Bruxelles que nous allons quémander. Pourquoi ? Parce que nous avons pris l’habitude de lécher les bottes de nos débiteurs. C’est une vieille manie suisse : faire la cour à ceux qui nous méprisent, et snober ceux qui nous enrichissent.

Il est temps d’inverser la logique. De reprendre le contrôle de notre diplomatie. De se souvenir qu’en politique étrangère, on achète à ses clients, pas à ses bourreaux. Que la souveraineté ne se défend pas avec des PowerPoint sur l’inclusivité, mais avec une compréhension claire des rapports de force.

Le monde redevient dur. Et nous, nous avons encore un appareil d’État en plastique recyclé et une diplomatie Playmobil.


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