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Transformer ses opinions en vérité scientifique grâce à 1.8 millions d'argent du contribuable, merci le FNS.

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    Mémorandum.IA
  • il y a 7 jours
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 6 jours

Genève et Vaud enferment plus que les autres ? La faute, nous dit-on, à une culture trop punitive. C’est du moins la thèse défendue dans un policy brief largement relayé début juillet, notamment par 24 Heures, Le Courrier ou Le Matin. Ce que ces médias se sont bien gardés de dire, c’est que ce document n’est pas une étude scientifique, mais une synthèse militante financée à hauteur de 1,8 million de francs par le Fonds national suisse (FNS). Une opération typique de science-washing : on repeint une conviction politique en vérité académique.


Un document militant, pas une recherche

Le document en question, intitulé Policy Brief #1 du Laboratoire romand de décroissance carcérale, affirme que la surpopulation des prisons de Genève et Vaud est causée par une culture locale trop punitive. La démonstration repose sur... presque rien : aucun contrôle des facteurs externes (nature des crimes, taux de détention préventive, part d’étrangers), aucune modélisation. Juste l’affirmation d’un biais culturel, supposé expliquer la différence de taux avec les cantons alémaniques.


Problème : ce n’est pas une recherche scientifique au sens classique (pas de publication peer-reviewed, pas de comité méthodologique pluraliste). Et pourtant, la presse a parlé d’« étude financée par le FNS », sans nuance, en reprenant mot pour mot les éléments du brief.


Derrière cette étude, le laboratoire romand sur la décroissance carcérale... Donc l'objectif est affiché d'avance par ses membres et il est donc logique que ses recherches aillent dans le sens de ses opinions, mais alors peut-on les faire financer par le contribuable pour près de 2 millions puis ensuite dire que c'est de la science ?
Derrière cette étude, le laboratoire romand sur la décroissance carcérale... Donc l'objectif est affiché d'avance par ses membres et il est donc logique que ses recherches aillent dans le sens de ses opinions, mais alors peut-on les faire financer par le contribuable pour près de 2 millions puis ensuite dire que c'est de la science ?

Le projet : militant dès l’origine

Le projet FNS n°211706, intitulé Prison Degrowth, est dirigé par la géographe Julie de Dardel (UNIGE). Le site du FNS parle de « géographie humaine », « écologie humaine », avec des mots-clés tels que Punitive Turn, Non‑Punitive Alternatives, ou Policy Mobilities. Tout l’argumentaire du projet repose sur une hypothèse idéologique : l’abolition ou la réduction de l’incarcération comme objectif souhaitable. Il ne s’agit pas d’un test scientifique, mais d’une validation financée d’un postulat militant.



Dans l’équipe, on retrouve aussi Mathilde Marendaz, députée de la gauche radicale au Grand Conseil vaudois, membre de la commission des visiteurs de prison. Elle milite activement contre la prison, contre la police, et pour les alternatives à la sanction pénale. Est-il sérieux de parler d’objectivité quand les chercheurs sont tous acquis à la même cause, sans contrepoids doctrinal ni pluralité d’approche ?


Les projets de recherches financé par le Fond National Suisse obtiennent en moyenne un demi-million, celui-ci a obtenu près de 2 millions.
Les projets de recherches financé par le Fond National Suisse obtiennent en moyenne un demi-million, celui-ci a obtenu près de 2 millions.

Une logique qui se retourne contre eux ?

Julie de Dardel déclare dans 24 Heures que « construire davantage de prisons conduit à enfermer plus ». Une phrase intéressante… car elle pourrait s’appliquer mot pour mot aux structures sociales vaudoises. Faudrait-il en déduire que construire plus de foyers pour mineurs encourage les placements d’enfants ? Faut-il cesser de financer la DGEJ pour éviter d’arracher les enfants à leurs parents ? Supprimer d'urgence les 80 millions de rallonges à la DGEJ, car les places en foyer crées vont inciter à les remplir. Voilà ce que donne une lecture purement structurelle de la répression.

Article de 24 Heures du 3 juillet... A se demander s'il y a encore des journalistes à 24 Heures, mais la réponse est oui, une IA ne se serait pas fait avoir par un papier méthodologiquement si faible.
Article de 24 Heures du 3 juillet... A se demander s'il y a encore des journalistes à 24 Heures, mais la réponse est oui, une IA ne se serait pas fait avoir par un papier méthodologiquement si faible.

Et si le taux d’incarcération vaudois était lié à une autre réalité ? Par exemple, à un usage plus fréquent de la détention préventive contre des prévenus étrangers sans domicile fixe. Et s’il y avait davantage de peines privatives liées à des crimes graves (trafic de drogue, violences, etc.) ? Le document ne fait que placer ses hypothèses où ça l'arrange et fait fi de toute ton démonstration. Ce qui compte, c’est de pointer la culture punitive, et au diable l'épistémologie. Le cas Raoul

Dans leurs recommandations, les auteurs du policy brief appellent à supprimer l’incarcération pour défaut de paiement des amendes liées aux transports publics. Une proposition formulée au nom de la justice sociale. Mais pas un mot sur les amendes des automobilistes, qui elles continuent de mener à la prison. Deux poids, deux mesures : les premiers sont des « victimes du système », les seconds des « pollueurs privilégiés ». Personne ne s’émeut de voir des automobilistes devenir des zeks – ils ne sont pas dans le bon camp idéologique.


Interview de Raoul en début 2025

Et pourtant, la prison pour amendes impayées peut sauver des vies. L’exemple le plus connu est celui de Raoul, sans doute le plus célèbre ancien toxicomane de Suisse romande, qui avait témoigné en début d'année que c’est son incarcération pour amendes de transports publics impayées qui lui avait permis de sortir de l'enfer du crack. Il n’existe quasiment plus de lieux de sevrage en Suisse romande, sauf pour les gens assez fortunés pour se payer des cliniques privées comme la clinique des Alpes. Les centres de "soins" encore soutenus par les autorités sont des endroits qui maintiennent les toxicomanes dans des dépendances médicamenteuses et n'offrent plus de chemin vers l'abstinence (remerciez les politiciens qui ont lutté contre les endroits comme les Rives du Rhône en les accusant de sectarisme). Sans ce passage en prison, Raoul n’aurait probablement jamais été sevré du crack et il ne serait peut-être plus des nôtres aujourd'hui.


Extrait du Journal pour Tous N°1
Extrait du Journal pour Tous N°1

Le FNS, garant de la rigueur scientifique ?

Le FNS est une fondation privée de droit suisse, financée par la Confédération. Il est supervisé par un Conseil de fondation partiellement nommé par le Conseil fédéral, audité par le Contrôle fédéral des finances (CDF), et indirectement suivi par les commissions parlementaires. Mais la sélection des projets repose sur des panels de pairs académiques, sans garantie de diversité idéologique.


Peut-on vraiment parler de rigueur scientifique quand les projets financés valident une orientation politique unique ? Existe-t-il une forme de biais structurel dans la sélection, qui favorise certaines sensibilités intellectuelles aux dépens d’autres ?


Et si on inversait les rôles ?

Que dirait-on si 1,8 million de francs du FNS étaient attribués à des politiciens souverainistes pour mener une “recherche” sur les bienfaits des frontières ? Est-ce que le FNS prévoit d’offrir 1,8 million à des partisans de la fermeté carcérale pour produire un policy brief qui défendrait les vertus de la sanction et de la détention ?


Vous pouvez chercher longtemps dans la base de données du FNS : vous n’y trouverez rien de tel.


Question à 2 balles... non, 2 millions : Si construire des structures carcérales risque d'augmenter la demande, le risque n'est-il pas analogue pour les structures sociales ? On pourrait demander 2 millions au FNS pour répondre à la question.



 
 
 

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